lundi 14 mai 2012

[1er implant] J+10 mois : Nouveau bilan orthophonique


Cela fait 10 mois que je suis implanté du côté gauche, et j'aurai toujours cette impression d'avoir toujours entendu de cette façon-là, au point de complètement oublier comment je vivais il n'y a même pas un an. Pour résumer brièvement cette nouvelle vie, trois mots : accessibilité, ambition, sociabilité.

Accessibilité : même si je suis souvent le premier à me plaindre du manque d'accessibilité envers les sourds et malentendants et que la France prend vraiment son temps pour se mettre aux normes, aujourd'hui, je n'ai plus besoin d'attendre que cette sacro-sainte accessibilité se mette en place. Besoin d'un interprète en langue des signes pour suivre une réunion ? L'implant fait tout le boulot. Besoin d'attendre que le Centre Relais soit généralisé pour passer un coup de fil ? L'implant me mâche le travail et me permet d'appeler presque n'importe qui. Un documentaire télé qui n'est pas sous-titré ? L'implant me le sous-titre directement dans le cerveau. Je n'ai presque plus de limite aujourd'hui, tout m'est pratiquement accessible et compréhensible. A l'heure actuelle, j'ai encore quatre limitations : la discussion en milieu vraiment bruyant et avec plusieurs personnes, le théâtre, l'anglais oral et les films d'origine française. Comprendre l'anglais parlé, ça sera vraiment le défi ultime. Si, un jour, je suis capable de converser avec des anglophones, ça sera vraiment la cerise sur un gros gâteau déjà bien crémeux et riche. A l'heure actuelle, ça ne doit pas dépasser les 10% de compréhension...

Ambition : Je peux aujourd'hui me fixer des objectifs à long terme et avoir des ambitions, qui étaient auparavant non pas forcément irréalisables, mais relativement compliqués à mettre en place. Le premier exemple qui me vient en tête est ma future création d'entreprise en auto-entrepreneur, dont l'activité principale sera le développement de sites web. Cela impliquera beaucoup de choses : rencontrer des clients, suivre des réunions, présenter mes différents produits, et, surtout, téléphoner à ces mêmes clients. Je ne manquerai pas de vous raconter comment tout cela se passe. Dans l'ensemble je suis assez optimiste, car le fait de pouvoir mieux entendre et comprendre donne indéniablement une confiance en soi.
Un autre exemple concerne mon rôle au sein de l'association CISIC en tant que délégué du Limousin. Mon travail consiste à rencontrer au CHU de Limoges des patients qui, comme moi, sont souvent atteints de surdité et isolés et qui recherchent donc des informations, des témoignages sur l'implant. Depuis le début de l'année 2012, ces "permanences" restent assez confidentielles, et mes ambitions sont justement de développer ces actions et les rendre plus visibles et plus importantes.

Sociabilité : De manière générale, je me sens beaucoup plus sociable qu'auparavant, même si je ne discute pas forcément à chaque fois, personnalité oblige. Puisque je sais d'emblée que je vais comprendre, je vais plus facilement vers les gens et je les fais même répéter plus facilement. Comprendre est une chose, savoir que l'on va comprendre est une autre chose, et ça fait vraiment toute la différence. Lorsque j'étais littéralement sourd comme un pot, je faisais rarement répéter les gens. Pourquoi ? Je n'étais pas sûr de comprendre les phrases répétées, même deux, trois, quatre fois. Aujourd'hui, je n'hésite plus car je sais que tôt ou tard je comprendrai ce qu'on m'a dit (en général une répétition suffit si je n'ai pas saisi immédiatement).

Quant au niveau de la vie de tous les jours avec l'implant, voici un résumé des différentes situations :

- J'ai effectué un nouveau bilan orthophonique le 21 mars dernier. il y a eu des nouveaux exercices, comme l'écoute de non-mots (mots qui n'existent pas), la lecture ininterrompue et rapide d'un texte pendant 5 minutes (je dois répéter phrase par phrase), et l'écoute de phrases audio (via des enceintes) avec ajout d'un bruit de fond sonore. Dans l'ensemble, les résultats sont concluants mais stables par rapport aux anciens bilans, dont j'ai fais une synthèse sur une feuille de calcul Excel :

http://sdrv.ms/1ic4gY8

- Début mai, j'ai dû demander un nouveau réglage auprès du régleur car j'avais la désagréable sensation de moins bien comprendre lorsque j'étais en groupe, et même parfois avec une seule personne. J'étais parfois persuadé de subir une petite régression au niveau de la compréhension de la parole si bien que j'essayais de me rassurer en écoutant la télé et des vidéos sur Internet, souvent avec succès. A titre d'exemple, concernant le débat télévisé entre les deux candidats à la présidentielle, j'ai pu suivre la quasi-totalité de leur discours sans m'aider du sous-titrage, pourtant activé, mais que je ne lisais pas du tout ! D'où vient alors cette sensation de régression ? Au niveau psychologique ? Parce que je ne me souviens plus du tout comment je comprenais les gens au début de l'implant ? J'ai quand même voulu demander un nouveau réglage pour en avoir le coeur net. J'en referais un nouveau le 30 mai, où un employé de Cochlear sera d'ailleurs présent.

- Depuis le début de l'année, je multiplie de plus en plus les sorties au cinéma. Le bilan est extrêmement paradoxal, puisque la compréhension de films américains doublés en VF constitue une révolution, tandis que pour les "vrais" films français, c'est une catastrophe sonore. On critique souvent le doublage en VF pour leur qualité, mais je ne pensais pas que cette "qualité" puisse m'aider à ce point-là. A l'inverse, les acteurs français s'expriment souvent avec dynamisme et rapidité, rendant d'autant plus difficile la compréhension. Ci-dessous la liste des films que j'ai vu, et le pourcentage de compréhension (j'ai volontairement exclu les films en VO sous-titré car c'est de la "triche"...) :
- "Intouchables" en VF : 30%
- "Hunger Game" en VF doublée : 85%
- "Les Pirates bons à rien, mauvais en tout" en VF doublée : 55%
- "Sur la piste du Marsupilami" en VF : 25%
- "Félins" en VF doublée : 90%
- "John Carter" en VF doublée : 75%

- La télévision donne de plus en plus de bons résultats, et il me semble que la seule bonne condition pour comprendre sans sous-titrage est de bien augmenter le volume. Comme dit précédemment, j'arrive désormais à suivre des débats politiques, mais aussi le journal télévisé, la météo et certains films (non d'origine française, vous l'aurez deviné). J'utilise le sous-titrage lorsque ce n'est pas suffisamment fort et que j'ai la flemme de chercher la télécommande, ou encore par facilité...

- Le téléphone donne lui-aussi d'assez bons résultats selon le modèle. Avec un modèle spécial sourds et malentendants, qui possède une boucle magnétique intégrée, le bilan est probant quelque soit la personne à l'autre bout du fil. Avec mon téléphone mobile (un smartphone), c'est beaucoup plus mitigé car la boucle magnétique n'est pas disponible et la qualité du son assez hasardeuse.

- La discussion en groupe reste toujours un peu difficile, même s'il y a quand même beaucoup d'améliorations depuis. Là où l'implant tire son jeu, c'est non pas forcément dans la compréhension de la parole, mais dans la confiance en soi qu'il donne à son porteur, le poussant plus facilement à faire répéter les gens. J'essaye de voir les choses de cette façon, et me dire que ce n'est pas une fatalité de passer une soirée où j'ai eu du mal à discuter. J'ai déjà vécu des moments extraordinaires là où des appareils classiques n'auraient absolument pu rien faire. L'important à retenir est la hausse générale de ma qualité de vie et les "mauvais" comportements qui disparaissent petit à petit (isolement, refus d'aller vers autrui, etc.).

J'approche bientôt du premier anniversaire de l'implant, je pense que je n'hésiterai pas à faire un résumé de cette première année, révolutionnaire et riche en émotions, quoique j'en dise...