dimanche 18 août 2013

[1er implant] J+2 ans : Un premier bilan global

Après quelques mois d'absence, me revoilà pour vous raconter à nouveau mon expérience après avoir franchi, cette fois-ci, le cap des 2 ans. Déjà une éternité...

Après la pluie, le beau temps

Souvenez-vous, si vous avez régulièrement lu ce blog, vous sauriez que ma vie d'implanté n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. Ma courbe de "satisfaction" était plus ou moins en forme de "M".

Les six premiers mois, c'est la phase de découverte, avec une progression à deux chiffres. Tout allait bien pour le meilleur des mondes. C'est le jour et la nuit avec l'appareil classique. C'est une période qui me donne énormément de nostalgie.

Et puis ensuite, les mois suivants, il y a eu un coup de mou. J'ai réalisé que je ne pouvais plus progresser de façon aussi spectaculaire qu'avant, et, sans le savoir, j'ai commencé à avoir le blues. Pour moi, tout n'était pas encore parfait. Pourtant, dans tous les domaines de communication (discussion, cinéma, TV, etc.), par rapport à précédemment, tout allait au mieux, mais j'en demandais toujours plus. Par exemple j'étais souvent dans la petite déprime quand je revenais d'une soirée à moitié ratée pour X ou Y raisons (trop de personnes, bruit, fatigue...). A force d'enchaîner les déconvenues de ce genre, j'avais réellement peur de retomber dans mes travers et de redevenir autant blasé que je ne l'ai été lorsque j'avais mes deux appareils. Mais que l'on ne s'y trompe pas : d'un point de vue "strict" des résultats de l'implant, c'est incontestablement une réussite. Il suffisait juste d'un petit grain de sable pour faire dérailler la belle mécanique...

Vient ensuite une troisième période où le "taux de satisfaction" remonte. J'essaye de profiter tant bien que mal de cette nouvelle vie de communication. Peut-être est-ce que parce que j'ai probablement enchaîné plusieurs événements / sorties / soirées sans que je ne rencontre de problème particulier dans la discussion. Cela me donne le sourire. Ce serait oublier le mal qui me ronge depuis tant d'années, ce sentiment de ne pas avoir encore accepté ma surdité et ses conséquences. Je vis bien mais je sens que j'ai encore quelque chose à régler avec ma conscience.

S'ensuit une nouvelle période, de mai 2012 jusqu'au milieu de l'été, où ce fut la "cata", toutes proportions gardées. Je n'arrive plus à profiter simplement des bienfaits que m'apporte l'implant. Pire, je commence à redouter les soirées, de peur de ne rien comprendre et de s'y ennuyer. Le doute m'envahit de plus en plus, et je crains de redevenir celui que j'étais avant l'implantation.

Et puis, il y a eu un déclic. Vous savez, le genre de déclic qui arrive sans crier gare. A l'été 2012, on m'a fait comprendre que je me plaignais souvent par rapport à ma surdité. Je ne m'en rendais pas trop compte, mais ce fut une sorte d'électrochoc et cela m'a profondément remis en question. Aujourd'hui, et depuis ce moment (cela va faire un an), je commence, enfin, à réellement profiter de la vie et de tout ce que m'apporte cette merveilleuse invention qu'est l'implant. Pour faire simple, je n'essaye plus de me prendre la tête. Une conversation compliquée lors d'une soirée ? Ce n'est pas grave. Je suis un peu isolé lors d'une discussion ? Ce n'est pas non plus la fin du monde.

Mon secret pour accepter ces "jours sans" ? J'essaye de relativiser. Tout simplement. Je me dis qu'au fond de moi, j'ai beaucoup de chance d'avoir ce que j'ai aujourd'hui, c'est-à-dire un toit, un travail, une famille et surtout la chance infinie d'avoir pu bénéficier de l'implant gratuitement. La surdité est certes un handicap, mais quand je pense qu'il y a des handicaps beaucoup plus lourds, plus contraignants que le mien, au hasard la cécité, je me dis que je ne suis pas trop à plaindre. Sans rentrer dans les détails, il suffit de jeter un oeil à ce qui se passe dans le monde, entre les guerres, les famines et j'en passe, pour se dire que j'ai quand même de la chance d'être tranquille en France. Le fait de relativiser les choses m'aide beaucoup. C'est tout simple. Pour toutes ces raisons j'ai enfin l'impression, aujourd'hui, d'avoir accepté ma surdité. Au bout de 30 ans, c'est pas trop tôt... Pour preuve, je n'hésite plus à faire répéter les gens, à leur faire comprendre que j'ai du mal à suivre une conversation pour qu'ils fassent des efforts. De manière générale, je n'essaye plus de camoufler mes difficultés, je le dis de plus en plus facilement, notamment au téléphone. Mine de rien.

Le téléphone, cet objet que j'ai longtemps haï

Et pour cause, aujourd’hui je téléphone assez régulièrement. La nouveauté, c'est que j'arrive désormais à appeler des inconnus. Je n'ai plus besoin d'une voix familière ou d'une connaissance pour converser au téléphone. Ce n'est évidemment pas parfait mais c'est suffisant pour appeler le secrétariat d'un docteur, par exemple. Longtemps détesté et insulté de noms d'oiseaux que je ne soupçonnais même pas, le téléphone est pourtant devenu le symbole de ma réussite de l'implant cochléaire. Imaginez un peu : je n'ai jamais pu téléphoner jusqu'à ce fameux jour de 2011 où j'ai eu ma première conversation téléphonique. C'est dire la portée technologique...

Par contre, je ne peux pas passer des coups de fil avec n'importe quel téléphone. Pour le fixe, les premiers prix genre téléphone Carrefour sont à éviter très soigneusement car la qualité audio est, disons-le franchement, "médiocrissime". Privilégiez les téléphones spéciaux pour malentendants, équipés de haut-parleurs puissants et parfois d'une boucle magnétique. A ce titre, j'ai testé le Geemarc AmpliDECT 350, qui s'avère très satisfaisant. Pour les mobiles, je peux dire avec suffisamment de recul que globalement ils se valent tous. J'ai eu entre les mains un Samsung Galaxy S3 (haut de gamme), un Galaxy Ace (bas de gamme) et un HTC Desire S (moyen de gamme). De manière générale, la qualité du son est globalement bonne et puissante pour être suffisamment compréhensible.

Enfin, qu'en est-il de la radio, de la télévision ? Deux ans après, les résultats sont là-aussi probants, incroyables. Je me souviens de ce bilan pré-opératoire où je devais répéter des mots qui sortaient d'une enceinte. Je n'avais pas été capable d'en répéter un. Une époque lointaine... Aujourd'hui, que ce soit la télévision ou la radio, j'engloutis en moyenne 80% des mots qui en proviennent, pour peu que je sois bien concentré. Les résultats dépendent, comme toujours, de l'état générale dans lequel on est : moment de la journée, qualité de la voix, fatigue...

Oui, mais voilà...

La fatigue, nous y voilà justement. Devant tout ce tableau flatteur, quelques zones d'ombres persistent. Je vais notamment citer :
  • Le manque d'amplitude de réglages du volume du son de l'implant. Sur un CP 810 (Cochlear), l'amplitude n'est que de 10 par programme (milieu normal, bruyant, etc.). Sur votre TV, vous avez au moins 50 ou 100 crans de volume. Ici, seulement 10. Malgré les innombrables réglages que j'ai effectué au CHU, il arrive régulièrement que ce soit trop fort ou, au contraire, pas assez fort. Cela dépend de la fatigue (il faut mettre plus fort), des acouphènes (il faut mettre moins fort)... Ce manque d'amplitude dans le réglage du volume est assez frustrant, et j'espère que Cochlear trouvera une solution pour la génération suivante...
  • La mise en marche du processeur. Au démarrage, le son est souvent trop fort car il est activé de façon brutale, et le cerveau n'est pas habitué. Pas l'idéal quand on le met au petit matin juste après s'être réveillé... C'est comme allumer la lumière en pleine nuit, vos yeux mettront quelques minutes à s'y habituer. J'aimerais bien que Cochlear trouve un moyen pour, par exemple, atténuer le son à la mise en marche, et faire monter progressivement le volume (de l'ordre de quelques secondes) jusqu'au volume normal.
  • La fatigue. Au bout de deux ans "d'étude", j'ai une certitude : l'implant fatigue. Écouter est fatiguant. Se forcer à comprendre est éreintant. C'est malheureusement mon cas :
    • A la fin d'une journée chargée en discussion, pas forcément longues en elles-mêmes, je suis souvent épuisé.
    • A une soirée avec 4-5 personnes, au bout de deux heures, je tombe de fatigue et je commence à décrocher de la discussion. Après, je végète dans le canapé.
    • Ecouter avec l'implant demande une concentration non négligeable. De plus, je n'utilise qu'une seule oreille, le cerveau mouline donc davantage. Logique implacable. J'ai trouvé une "parade" pour éviter les coups de pompe aux moments les plus importants : boire un coup de Red Bull. C'est plutôt efficace mais j'évite tout de même d'en abuser...
Pour résumer, les performances de l'implant cochléaire sont à la hauteur des attentes, mais il reste encore quelques soucis technologiques qui sont plus des soucis de confort. Néanmoins, l'ennemi n°1 de l'implant est son porteur, et surtout son état de fatigue. C'est frustrant mais logique. C'est aussi dans ces moments-là que je pense de plus en plus à... la bi-implantation. Mais ce sera dans un prochain billet... :)

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