jeudi 19 juin 2014

J+37 : Le premier réglage

Cela va faire une bonne semaine que j'ai reçu mon nouveau joujou. Les premières impressions ? Je sens que la rééducation va aller très vite, encore plus vite que la première fois, qui était déjà pas mal rapide dixit les dires de l’hôpital. Le cerveau a visiblement appris de ses erreurs, il est moins perdu, il arrive mieux à décoder ces informations qui proviennent d'une "source inconnue" (les électrodes, donc).

Concrètement, au bout de 10 jours, j'ai la sensation d'entendre en "noir et blanc" avec une touche d'aigus et de flouté. Ça donne ceci :


Audition normale



Audition à J+10



Le jour de l'activation, le son était criard, métallique et strident, comme un chat qui se serait étranglé. Ça ressemblait plutôt à ça :

Audition à J+0

De jour en jour, le son s'adoucie, se polie, prend des couleurs, gagne en netteté et s'élargie en fréquences. Le but du premier réglage est de repousser les limites basses et hautes de la gamme de fréquences que je perçois, et d'affiner tout ce beau petit monde.

Pour commencer, je repasse l'étape de détection automatique des seuils de chaque électrode. Ce test n'avait pas pu aller jusqu'à son terme lors de l'activation car ça devenait trop fort, à la limite de l'insupportable. Malheureusement, ce fut le même cas ici. Ça vire toujours au "trop fort". Je n'ai pu valider qu'une seule électrode. Mon régleur me dit que ce n'est pas bien grave puisque toutes les électrodes ont été testées au bloc. Endormi, c'est effectivement plus facile à supporter le "trop fort".

Les étapes suivantes consistent, comme ça sera le cas pour les réglages suivants, à déterminer le son le plus faible et le plus fort, à la limite du confortable, pour chaque électrode (22). La concentration et la patience sont de rigueur. Par rapport au premier implant, il n'y a pas de différence notable dans le processus de réglage.

Entre temps, mon régleur m'explique une nouvelle fonctionnalité du dernier processeur de Cochlear, le CP910 : les statistiques. Sur son ordinateur, il est possible d'avoir toutes sortes de stats tel que le temps par jour durant lequel je porte le processeur (15.8h ici), la durée d'utilisation moyenne par jour de chaque programme (20% environnement calme, 10% bruyant, 30% dialogues, etc.). En dehors de l'aspect "j'ai Big Brother dans le crâne", ces statistiques peuvent se révéler très intéressantes sur le long terme. Le régleur sait exactement comment le patient utilise son processeur et ses programmes, et peut alors adapter son réglage en fonction.

Une fois terminé, je constate effectivement, sur le papier, une différence de largeur dans les fréquences entre aujourd'hui et précédemment, toute écrasée. Il ne me reste plus qu'à tester en pratique ce nouvel affinage des sons, en attendant le prochain réglage fixé au 7 juillet.

Je suis ensuite retourné voir le Dr. Aubry pour un simple contrôle de routine de l'oreille / la cicatrice. Je lui fais part de ma petite bosse que j'ai vers la région où se trouve l'aimant. Il s'agit en fait du modèle d'implant utilisé qui, de par sa forme et son épaisseur, donne effectivement un petit rebord sous la peau. Rien d'alarmant donc, mais l'astuce de grand-mère qui consiste à aplatir les bosses avec une pièce de monnaie ne fonctionnera pas ici...

jeudi 12 juin 2014

J+29 : Enfin le deuxième branchement !

Enfin ! Après un bon mois d'attente, le grand jour est arrivé ! Un jour dont je me souviendrai naturellement toute une vie. Je me rends donc au CHU de Limoges l'après-midi, le rendez-vous étant fixé à 15h30. Contrairement à la première fois, où toute une équipe m'attendait, dont une personne de Cochlear Toulouse, ici, juste deux personnes sont présentes :
- l'orthophoniste, qui s'est déjà occupée de ma rééducation pour la première oreille, et qui va donc s'occuper de la deuxième
- et le régleur d'implant.

Quand je pénètre dans cette fameuse salle d'activation, un mélange de nostalgie et d'excitation m'envahit. Je suis très serein, mais je ne réalise pas trop, j'ai l'impression d'avoir affaire à un simple réglage, alors qu'il s'agit tout de même d'une activation. On me montre le processeur d'implant, il s'agit d'un nouveau modèle (le Nucleus 6) très ressemblant à celui que je porte déjà (Nucleus 5). Les différences sont très subtiles mais réelles. L'esthétique ne change pas beaucoup, l'ensemble est plus mat, moins brillant sur le métal utilisé, plus sobre. La taille est quasiment la même, le poids aussi. C'est surtout dans les fonctionnalités qu'il faut chercher les nouveautés. Mais attardons-nous sur l'activation elle-même. Celle-ci se passe en quatre grandes étapes :

- La première étape consiste à déterminer la réponse du nerf pour chacune des électrodes. Pour chaque fréquence, le son monte de plus en plus fort jusqu'à atteindre un certain seuil, avant de redescendre et se stabiliser. Problème, ce seuil est trop fort pour moi, à la limite du supportable, et je suis souvent obligé de signaler au régleur de stopper la fin du test de l'électrode. En tout, 4 ou 5 électrodes ont dû être testées. Le reste des tests a été abandonné, c'est visiblement trop tôt, l'oreille est encore trop sensible aux sons et pas encore habituée. Cette première étape sera ré-exécutée pour le premier réglage.

- La deuxième étape consiste, toujours pour chaque électrode (24 en tout) à déterminer le son le plus faible que je puisse entendre. On doit faire le vide dans sa tête car une grande concentration est nécessaire pour discriminer les sons réellement produits des sons psychologiques. L'étape dure une quinzaine de minute.

- Même topo pour la troisième étape : on doit déterminer le son le plus fort (dans la limite du confortable/supportable) pour chaque électrode. Cela permettra de déterminer les seuils minimums et maximums et de restituer finalement le son.

On arrive enfin à cette dernière étape tant attendue : l'activation du processeur ! Première impression : c'est comme la première fois, j'ai un brouhaha indescriptible de bruits métalliques et de sifflements torturés et malaxés dans tous les sens ! Mes premiers mots ont été : "c'est incroyable ! Une véritable explosion sonore !". C'est cette sensation-là que j'aie lorsque je porte l'implant droit tout seul. Si je l'associe au gauche, tous ces grésillements disparaissent peu ou prou, comme fusionnés, et un équilibre sonore plus que bienvenue apparaît. Pour faire une énième comparaison avec la première fois, il se trouve que j'arrive à distinguer un tout petit mieux les voix du reste. Le test du "oui-non" (quelqu'un doit dire l'un de ces deux mots au hasard) a été concluant car la reconnaissance était immédiate, ce qui n'était pas le cas d'y il a trois ans. Sans doute le cerveau qui s'est habitué entre-temps. Preuve qu'il ne s'est pas reposé sur ses lauriers, le bougre.

Jeu : lequel est l'ancien, lequel est le nouveau ?

Pour finaliser cette activation, j'ai enchaîné sur un examen d'audiogramme réalisé par l'orthophoniste. Je quitte cinq minutes la salle pour me diriger vers une plus petite, insonorisée. Le test consiste à signaler des sons qui sortent d'enceintes externes. Au début, je crois entendre des à-coups, et lève donc le doigt pour confirmer que j'ai bien entendu. Mais ces à-coups devenaient de plus en plus bizarres, et j'aurai juré qu'il s'agissait un mec qui faisait du bricolage avec son marteau dans l'hôpital. Erreur : il s'agissait en fait de la simple pression de touche sur laquelle appuyait l'orthophoniste pour envoyer le son ! Imaginez quelqu'un qui pianote bruyamment son clavier, mais à un niveau sonore encore plus élevé !

De retour dans la salle, on me donne une nouvelle valise Cochlear remplie d'accessoires et de documentations. J'avais cru bien faire en amenant à l’hôpital ma première valise, histoire de ne pas trop doublonner tout ça et éviter à Cochlear de "payer" une autre valise. En réalité, comme j'ai reçu un processeur de dernière génération, la documentation a logiquement évoluée. Le cas des accessoires est similaire : nouveau chargeur de batteries et nouvel assistant sans fil pour pouvoir gérer les fonctionnalités du petit dernier. Je me retrouve donc avec deux valises Cochlear. Pourquoi pas après tout...

Le nouveau chargeur, similaire à l'ancien

L'assistant sans fil s'est quelque peu amélioré et semble doté de plus de fonctionnalités. De couleur noire, il a reçu les mêmes matériaux que le processeur : finition matte et aspect sobre. J'adore. Un programme "Scan" fait son apparition : il permet de choisir automatiquement le meilleur programme (calme, vent, musique...) en scannant l'environnement sonore. Une belle nouveauté que ne pourra pas bénéficier mon autre processeur. La seule solution serait de le remplacer lui-aussi, mais la politique de la sécurité sociale (un changement de processeur tous les 5 ans) ne me permettra d'envisager ce changement que dans 2 ans. La problématique est la même pour la question de la technologie sans-fil (qui sera disponible "prochainement"), promise seulement à la dernière génération d'implants et mettant sur la touche les anciens modèles. A moins que... J'ai bien tenté de poser la question au régleur, mais ce dernier n'avait pas toutes les réponses. Et pour cause : je suis le premier adulte (de l’hôpital) à recevoir ce nouveau modèle !


On peut contrôler les deux oreilles d'un coup.
Ici, le mode Scan de l'oreille droite.

Je rentre donc chez moi avec le sourire aux lèvres et l'envie irrépressible de partager ces nouvelles sensations avec mon entourage. C'est le genre de journée qui, mine de rien, marque les esprits à jamais...

mardi 10 juin 2014

J+28 : Plus que quelques heures à attendre...


Me voilà enfin à l'aube de la deuxième activation, celle qui me permettra de basculer définitivement en stéréo. Cette dernière est prévue demain, le 11 juin, à 15h30. Je me rends compte que 28 jours sont déjà passés, et que, contrairement à la première fois, c'est passé vite, très vite. Cette impression est liée en grande partie par le fait que j'entends déjà à gauche, ce qui n'était pas le cas la première fois. Ça change tout. En fait, être en terrain connu change absolument tout, à ma (grande) surprise. On devrait limite faire d'emblée le deuxième implant pour éviter le calvaire du premier.

Pour résumer ces quatre dernières semaines : pas de douleur particulière, pas d'incommodité quelconque, un goût vite retrouvé mais des insomnies à répétitions. La faute à des acouphènes, certes discrètes, mais suffisantes pour m'empêcher de dormir. Physiquement, et parce que un implant de génération précédente (1-2 mm plus épais) a été utilisé, je sens comme une sorte de bosse au-dessus de l'oreille, comme si je m'étais pris une porte. Mais niveau sensations, c'est complètement imperceptible. Quant à la cicatrice, rien à signaler, elle... cicatrise.

Si je me réfère à la première activation, je m'attends à avoir toute une équipe autour de la table : l'audioprothésiste qui va insuffler la vie à l'implant, l'orthophoniste qui va prendre en charge les différentes rééducations, une personne de Cochléaire Toulouse pour le côté technique et peut-être le chirurgien. C'est sans doute le moment de faire une liste de plus et de moins par rapport à l'utilisation au quotidien du premier implant pendant ces trois dernières années. Une sorte de retour utilisateur qui pourrait, pourquoi pas, parvenir à la maison-mère de Cochlear, en Australie…

Dans les plus : inutile de vous faire un dessin…

Dans les moins :
  • Dès l'allumage du processeur, le son est trop fort et casse souvent les oreilles. Il faut attendre quelques secondes, le temps d'être habitué. Le même problème existe pour la vue : quand vous vous levez le matin, c'est difficile d'ouvrir les yeux parce qu'on n'est pas encore habitué à la lumière du jour. Les oreilles, c'est pareil !
    Solution : il faudrait que le son démarre tout doucement pour augmenter progressivement jusqu'au volume réglé.
  • Avec l'assistant sans fil, il est possible de changer de programme à la volée. Problème : avec l'habitude, la subtilité entre les différents programmes m'échappe parfois, et il se trouve que souvent, je passe des journées entières avec le mauvais programme, ou le moins adapté. Exemple : être tout seul chez soi et avoir le programme focalisé qui permet d'entendre dans le bruit.
    Solution : il faudrait que les programmes s'activent automatiquement en fonction de l'environnement sonore. Problème à priori résolu avec la nouvelle génération de processeurs (le Nucleus 6) que je vais recevoir mercredi.
  • Si on n'a pas l'assistant sans fil sur soi et qu'on veuille changer de programme, on doit le faire manuellement. Si je veux passer du programme 1 au programme 4, je dois passer par les programmes 2 et 3 et attendre les bips de confirmation à chaque fois. Passer du 1 au 4 prendre une quinzaine de secondes, car changer de programme nécessite de presser un bouton du processeur pendant deux secondes. Autre problème : on n'a pas la possibilité de savoir sur quel programme on est, hormis au feeling. Si je veux le savoir, je dois faire un tour complet : 1 > 2 > 3 > 4 > 1
    Solution : peut-être accélérer les changements de programme.

Pendant tout ce laps de temps, j'ai eu le temps de m'auto-former un peu au montage de vidéos. Ma priorité numéro 1, c'est de pouvoir montrer (via une vidéo avec son, donc) comment on entend avec un implant cochléaire à différents intervalles (J+0, soit le jour de l'activation, J+10, J+20…). Je suis donc dans les starting blocks pour demain soir, de retour de l'hôpital. Si Youtube ne fait pas de caprice, j'espère pouvoir publier les premières vidéos au plus tard jeudi. Entre-temps, je pense pouvoir ajouter un billet pour raconter cette journée tant attendue.